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#3 - L'histoire de Marica


Marie-Christine de Rochemonteix est arrivée à Hyderabad en août 1990 avec son mari indien et ses deux filles, Marie-Solange et Rebecca, prénoms dont la contraction donnera son nom à la future association Marica.

Trois semaines après l'installation de la famille, Rebecca, alors âgée de 5 ans, échappe de peu à une tentative d'enlèvement à la sortie de sa classe.

Il n'en faut pas plus pour décider Marie-Christine à monter une école qui verra le jour en avril 1991, soit seulement 10 mois après son arrivée.



Sa première école, à Masab Tank dans le centre-ville d'Hyderabad, dispose de moyens très limités: elle ne compte que 12 élèves à ses débuts!!

Le principe fondateur est que tout enfant y est accueilli, de tout milieu social, de toute religion, qu'il soit aisé ou très pauvre, en bonne santé, handicapé ou malade.



Le premier groupe d'élèves de Marica se compose ainsi de deux handicapés, un enfant atteint de la polio, quelques orphelins, deux enfants de milieu aisé et des deux filles de Marie-Christine.

Pour payer la maîtresse, cette dernière donne des lecons de francais. Pour faire connaître l'école, elle confectionne des desserts qu'elle vend dans la rue ou dans d'autres établissements (avec l'assentiment de ceux-ci évidemment). Elle fabrique elle-même les bancs, les étagères, coud les uniformes et développe ainsi l'école de ses propres mains.


Marica I grandit paisiblement jusqu'en 1994, année où la fondatrice décide qu'une école de la campagne devrait être créée afin de complèter l'école de la ville. Masab Tank compte déjà 130 élèves, 13 enseignantes, 3 personnes encadrantes et un autobus qui assure le ramassage des plus éloignés, élèves ou enseignants.



Marie-Christine achète alors, avec ses propres économies, un terrain de 8000 m2 dans le village de Darga Khalik Khan, à 12 km d'Hyderabad.

L'enseignement y commence rapidement: 90 élèves viennent assister aux classes dans deux huttes rudimentaires et un petit abri dès juin 1995.

Grâce aux dons reçus, trois classes sont construites en septembre 1995.


En février 1997, un grand bâtiment est achevé: 12 classes ainsi qu'un petit logement pour la fondatrice et ses filles.

Très vite, les enfants des villages environnants, très pauvres, sous-alimentés, infirmes ou aveugles y trouvent leur place. Chaque écolier reçoit un uniforme, des livres et des cahiers mais aussi un bilan de santé complet, un complément alimentaire quotidien et des soins appropriés.


Les frais de scolarité sont essentiellement pris en charge par des familles françaises.


En juin 1998, Marica I accueille déjà 175 enfants.






En 1999, en complément de l'école de la ville et de l'école de la campagne, nait un nouveau concept: l'école mobile. Il s'agit de se déplacer pour apporter l'éducation à ceux qui ne peuvent venir la chercher. C'est ainsi que des professeurs se rendent dans les carrières où travaillent des tribus Konkaras et Wataras, nomades regroupant 150 familles, dans une zone rocheuse et déserte où ne passe aucun autobus.






Ils viennent enseigner, en Telugu cette fois, les bases du langage à de nombreux aux enfants qui, dès 8 ans, travaillent au chargement des pierres avec leurs parents.

L'enseignement proposé a beau être gratuit, le plus gros du travail consiste à convaincre les parents de laisser les enfants assister aux classes: la plupart se montrent très méfiants, et il faudra beaucoup de patience et l'intervention d'un membre de l'administration pour débloquer la situation.


Finalement, les classes commencent, des compléments alimentaires et des vêtements sont distribués, un suivi medical est mis en place et les règles d'hygiène et de soins corporels sont enseignées.


Sous la tente en feuilles de palme qui sert de classe unique, les objectifs premiers de cette école mobile, aussi appelée Marica III, sont de réduire le travail des enfants et leur apprendre les bases de l'hygiène.





Avec le temps, l'école de Masab Tank est devenue trop petite et des inondations très fréquentes au rez-de-chaussée présentent un danger de contamination pour les enfants. Un nouveau terrain de 1000 m2 est ainsi acheté en février 2002 à Tolichowki, un autre quartier du centre d'Hyderabad, afin d'y construire le nouveau Marica I.

Dès juin 2002, le rez-de-chaussée est terminé et les petites classent peuvent y faire leur rentrée.

Un an plus tard, en juin 2003, le premier étage du nouveau Marica I est achevé et les grands, provisoirement accueillis à Marica II, s'y installent à leur tour.


En 2004, l'école mobile est élargie: des enseignants se rendent désormais dans plusieurs bidonvilles des quartiers pauvres d'Hyderabad afin de lutter contre l'analphabétisme. Les quartiers sont ratissés afin de récuperer les enfants de la rue.

Comme la première fois, l'enseignement est entièrement gratuit, mais Marie-Christine se heurte aux résistances des parents qui ne voient pas nécessairement d'un bon oeil cette éducation offerte.

En 2005 néanmoins, plus de 150 enfants suivent les classes et beaucoup sont progressivement intégrés à Marica II (une quinzaine y sont encore aujourd'hui) et dans les écoles du gouvernement.


Ainsi en 2007, Marica I, l'école de la ville, compte 375 enfants, Marica II, l'école de la campagne, 275 et Marica III, l'école mobile, 75. Sur ces 725 enfants, 50 sont handicapés et 15 sont malvoyants.


En 2008, une école maternelle est ouverte à Chevella, un gros bourg de 9000 habitants, à 50km à l'ouest d'Hyderabad. La région est essentiellement rurale et la population y est très pauvre. En particulier, beaucoup d'enfants y sont asservis.

La classe unique s'installe d'abord dans un immeuble en construction, puis dans une maison en construction avant d'être définitivement démenagée dans les locaux flambants neufs de Marica IV, construits sur un terrain de 450 m2.

En 2011, l'école compte déjà 130 enfants.



Afin de compléter cet enseignement de classe maternelle, la construction d'une école primaire et secondaire est lancée en 2012 à Kesaram, à 1km de Chevella. L'école ouvre l'année suivante avec déjà plus d'une centaine d'enfants.

Pour apporter l'enseignement au plus grand nombre, un ratissage systématique de la campagne alentour et des quartiers en développement est mis en place afin de rencontrer les familles vivant sous les tentes et leur expliquer l'importance de l'éducation.


En février 2015, la maternelle de Chevella est démenagée à Kesaram à la suite du suicide du gardien de l'école au sein des locaux. La superstition étant très forte en Inde, les familles ne souhaitaient pas que leurs enfants continuent à se rendre dans cet immeuble.





Quelques chiffres sur les écoles Marica aujourd'hui


Marica I : Tolichowki (anciennement Masab Tank)

350 élèves, dont 22 handicapés.

Ecole payante fréquentée par des enfants de familles relativement aisées.

Terrain de 1000 m2, deux étages, 21 salles de classes, 1 auditorium et 1 laboratoire de sciences.

Programme offciel de la maternelle à la seconde.

Enseignement en anglais, cours de telugu, d'hindi, d'urdu et de francais.

1 principale, 28 maîtresses dont 4 specialisées pour les besoins spéciaux et les aveugles, 2 dames pour le ménage, la cuisine et l'assistance dans les bus.




Marica II: DKK

450 élèves, dont 3 handicapés, environ 50 orphelins et une vingtaine d'enfants de familles issues de migrations rurales et vivant sous les tentes.

Ecole semi-payante fréquentée par des enfants des villages.

Terrain de 8000 m2 alimenté par des panneaux solaires pour garantir l'éducation audiovisuelle, 21 salles de classe et deux immenses terrains

de sport.

Programme officiel de la maternelle à la seconde.

Enseignement en anglais, cours de telugu, d'hindi et d'urdu.

1 principale, 18 maîtresses et une assistante spécialisée pour l'intégration des enfants des tentes, 2 chauffeurs de bus, 2 dames pour le ménage, la cuisine et l'assistance dans les bus.

Distribution de complément alimentaire 3 fois par semaine



Marica III: école mobile

Il n'y a pas de projet d'école mobile en cours.

En effet, les carrières ayant été fermées en 2012, l'école mobile s'y trouvant a naturellement cessé. Du coté des bidonvilles, la grande majorité des enfants ont été integrés dans une école et les classes mobiles y ont donc également été arrêtées.


Marica IV: Chevella

Ancienne école maternelle transférée à Kesaram.

Projet de lancement de cours d'informatique pour les enfants des écoles du gouvernement d'ici février.

Terrain de 450 m2, 5 salles de classe.




Marica V: Kesaram

250 élèves, dont 5 handicapés et une quarantaine d'enfants de familles vivant sous les tentes.

Terrain de 4000 m2, 24 salles de classe. Un terrain de sport de 4500 m2 sera ouvert très prochainement à proximité de l'école.

Programme officiel de la maternelle à la 6ème. Enseignement en anglais, cours de telugu et d'hindi.

1 principale, 9 maîtresses, 3 chauffeurs de bus, 3 dames pour le ménage, la cuisine et l'assistance dans les bus.

Distribution de complément alimentaire 3 fois par semaine





En lisant l'histoire de cette association, vous pourriez vous demander pourquoi monter une école alors même qu'il en existe déjà beaucoup en Inde et qu'il existe des écoles publiques financées par le gouvernement.


En Inde, le taux d’alphabétisation est de 74% (chiffres de l'Unesco), avec un déséquilibre non négligeable entre l’alphabétisation des hommes (82%) et celle des femmes (seulement de 65%). Ce niveau est très en-dessous du niveau mondial, qui est de 84%, et l'Inde est la nation qui compte le plus grand nombre d'illettrés au monde.

Le Telangana, malgré son récent développement économique, reste l’un des Etats les plus touchés par l’illettrisme: au classement du niveau d’alphabétisation des Etats et territoires indiens, la région ne se situe qu’au 28ème rang (sur 35) avec un taux d’alphabétisation de 67%.


La croissance rapide et le développement d’Hyderabad ont contribué à faire émerger une nouvelle classe moyenne urbaine non négligeable, et qui souhaite dorénavant que ses enfants bénéficient d’un enseignement de qualité, quitte à y consacrer une part importante de leur budget.



Malheureusement, les écoles publiques du gouvernement étant réputées pour leur médiocrité, un véritable « marché de l’éducation » s’est instauré entre les différentes écoles privées, chacune ayant ses propres particularités (frais de scolarités plus ou moins élevés, parrainage par des entreprises, des gourous, des chefs religieux etc…).


De plus, avec le développement économique, Hyderabad connait une extension de plus en plus forte et les habitants des campagnes périphériques, encore extrêmement pauvres et au mode de vie encore très rural et traditionnel il y a quelques années, connaissent maintenant une amélioration de leurs conditions de vie. Dans un tel contexte, l’éducation tend à devenir un enjeu plus important pour les familles de villageois.

Néanmoins, on ne voit se développer que peu d'écoles de campagne et de nombreuses zones reculées n'ont pas ou peu de structures éducatives, ce qui encourage l'exode rural.


C’est donc pour permettre aux enfants d’Hyderabad et de ses environs de bénéficier d’une structure éducative de qualité, à moindre coût et sans influence politique ou religieuse que Marie-Christine de Rochemonteix a décidé de créer l'association Marica.

La philosophie de l'association, résumée par le leitmotiv “Love, Peace and Harmony”, ainsi que ses méthodes éducatives, font de ces écoles des établissements à part.




Tout d'abord, l'éducation fournie par Marica est pragmatique. Elle a pour but de permettre aux enfants défavorisés de s'insérer dans la vie sociale, de pouvoir trouver un travail et de subvenir aux besoins de leur famille. C'est pourquoi, les classes sont en anglais, ce qui reste rare dans les écoles du gouvernement. L'hindi et le telugu (la langue du Telangana) sont également enseignés.

De plus, des cours d'informatique sont donnés afin que tous les élèves connaissent les bases de l'utilisation d'un ordinateur et de ses principaux logiciels. Il faut savoir qu'Hyderabad est un grand pôle technologique de l'Inde et que la connaissance informatique représente la promesse d'un travail stable dans le futur.


Ensuite, l'utilisation de jouets, de matériel éducatif et de livres-images, l'organisation de spectacles, la mise en place d'ateliers specialisés, l'utilisation de supports audiovisuels, sont des méthodes proactives qui permettent de stimuler l'intéret et la curiosité d'enfants parfois déjà abimés par la vie.

Cette manière d'enseigner montre de très bons résultats, en particulier chez les enfants handicapés.


Le slogan “Love, Peace and Harmony” est appliqué au quotidien: les maîtresses apprennent à enseigner d'une manière aimante et enthousiaste, afin d'apprendre aux élèves la tolérance et le respect. Dans un pays où la violence, en particulier conjugale, est très marquée, ces méthodes d'éducation ont pour but principal d'éviter la violence en classe, mais aussi et surtout à l'extérieur.

Les enfants apprennent ainsi à s'aimer les uns les autres, quels que soient leur religion, leur caste, leur milieu social, leur état de santé mentale ou physique.


En effet, nombreux sont les enfants qui ont des problèmes de santé, de famille ou d'adaptation sociale. L'équipe en est très soucieuse : lorsque un enfant entre à Marica, un bilan complet est établi sur sa situation afin d'estimer le niveau d'assistance à lui apporter, que ce soit sur le plan de l'alimentation, de l'uniforme, des livres, ou, tout simplement, de l'affection dont il a réellement besoin.

En particulier, beaucoup d'enfants souffrent de la malnutrition et de maladies qu'elles génèrent (malvoyance, handicap mental ou physique), c'est pourquoi un complément alimentaire est distribué trois fois par semaine aux enfants afin de suppléer au pauvre bol de riz quotidien. Grace à cette distribution, de réels progrès physiques et intellectuels sont observés chez les enfants, qui sont alors dans de bonnes conditions pour étudier.






Les principes de l'association énoncent que tout enfant à droit a l'éducation et qu'aucune ségregation d'aucune sorte ne doit être acceptée, sauf si elle est basée sur des raisons médicales insurmontables. C'est ainsi que les élèves handicapés et les aveugles, nombreux à Marica (il faut savoir que les enfants non voyants ou atteints de la polio ne sont pas acceptés dans les autres écoles), recoivent la même éducation que leurs camarades et partagent leur classe, même si quelques aménagements sont parfois nécessaires.

Par exemple, certaines maîtresses sont specialisées pour le travail avec les handicapés mentaux ou physiques. D'autres ont appris le braille pour assister les jeunes malvoyants, très nombreux en Inde.


Ce souci d'ouvrir l'éducation à tous se manifeste également dans la manière d'aller chercher les élèves. Lorsqu'un projet ou une école est lancée, un ratissage systématique est mis en place afin d'aller chercher les enfants des familles les plus pauvres. Souvent, Marie-Christine doit commencer par convaincre les parents de lui confier leurs enfants, que ceux-ci préfereraient souvent garder à la maison afin de participer aux tâches et travaux familiaux.


Enfin, un fait important qu'il ne vous paraitrait pas capital de souligner: tous les établissements de Marica disposent de toilettes et d'équipements donnant accès à l'eau potable. Selon une étude récente, 59% des écoles du gouvernement n'auraient pas de sanitaire et 89% n'auraient pas accès à l'eau potable...


Il est difficile de retracer un historique de bientôt 25 ans en quelques mots, mais j'ai essayé de vous tableau non exhaustif du travail entrepris ici.

Je dois vous avouer que cette association m'épate. Depuis que je suis ici, j'ai pris un grand nombre de claques, remis en question certains acquis et appris beaucoup de choses.

Un de ces enseignements est le fait que l'on peut faire beaucoup avec une simple idée et beaucoup de volonté. Le travail que Marie-Christine a réalisé ici et continue à réaliser aujourd'hui est impressionnant.

Il est particulièrement émouvant de rencontrer d'anciens élèves, pleins de gratitude, qui reviennent donner des nouvelles et offrir leur aide à Marie-Christine.


J'ai également pu observer l'intérêt du don financier venant des pays développés. Souvent, on se demande pourquoi donner de l'argent à l'autre bout du monde alors que l'on pourrait déjà aider son prochain dans son propre pays. Mais la différence de niveau de vie est telle, que ce qui représente un minuscule effort sur un budget mensuel en France permet de déplacer des montagnes ici.

L'association fonctionne grâce aux parrainages, venant essentiellement de France, de Suisse et d'Angleterre. Un don de seulement 160 euros permet de financer la scolarité d'un enfant pendant toute une année; cela représente moins de 14 euros par mois! Pour parrainer un enfant handicapé, le don s'élève à 200 euros, soit à peine 17 euros par mois.


Si vous souhaitez plus d'informations sur les beaux projets de Marica, voici le lien vers le site (un peu daté) de l'association:


Par ailleurs, si, parmi vous, certains se sentent concernés par le travail de cette association et aimeraient faire un petit effort mensuel pour y participer, sachez que chaque parrainage permet effectivement à un enfant défavorisé de suivre une scolarité complète à Marica. Mais que chacun se sente entièrement libre évidemment.

Par ailleurs, si vous voyagez dans les environs et que vous avez envie de donner un peu de votre temps, sentez-vous libres de rendre visite à Marica : les visiteurs sont toujours très bien accueillis et toute aide est utile, même pour une courte durée.



Mon prochain article sera consacré au récit des projets que je mène ici, c'est promis, mais il était nécessaire de vous donner préalablement le contexte.


Toutes mes pensées accompagnent les parisiens et leurs familles,


A bientôt,

Tiphaine


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