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#7 - Mon quotidien à la Ferme Enchantée


Maintenant que vous en savez un peu plus sur Gawad Kalinga, je peux revenir sur le mois exceptionnel que j’ai passé à la Ferme. Ce fut une expérience inoubliable, malgré sa courte durée.


Pourtant, mon arrivée n’a pas été un moment simple à vivre.

Le départ d’Inde avait été difficile, j’avais éprouvé une grande tristesse à quitter l’entourage qui m’avait si bien accueillie et me retrouver dans un cadre très international et « confortable » m’a procuré un effet étrange. En effet, après avoir vécu dans le dénuement et auprès de familles indiennes, j’ai eu des difficultés à comprendre le modèle de l’Enchanted Farm : cela me paraissait trop luxueux, je ne comprenais pas bien cette cohabitation entre une communauté GK pauvre et des infrastructures type ‘resort’.


Ce qui m’a permis de comprendre la force de ce modèle ? La communauté, justement.

Plus je passais de temps auprès de ces familles philippines au passé difficile, mieux je me sentais, mieux je comprenais l’ambition de Gawad Kalinga. Cette cohabitation qui me semblait quelque peu étrange au début, représente, en réalité, la force de la Ferme Enchantée, et sa raison d’être. En effet, le but de cette Village University est la reconnexion : entre les riches et les pauvres, entre la ville et la campagne, entre les Philippins et le reste du monde. Et ceci, via le partage du quotidien et du travail.




Mais peut-être devrais-je commencer par expliquer ce qui m’a conduit aux Philippines, plus particulièrement à Angat dans le Bulacan.

Comme vous le savez, la démarche de mon année consiste à consacrer du temps pour m’investir dans des associations d’aide à l’enfance. Peu m’importaient les pays où je me rendrais, je voulais simplement trouver des associations qui auraient du sens pour moi et dans lesquelles je pourrais réellement m’investir et avoir un rôle utile.

C’est ainsi que j’ai trouvé mes deux associations principales : la Marica School en Inde, où j’étais d’octobre à janvier, et Pour un Sourire d’Enfant au Cambodge, où je me trouve actuellement. Le hasard m’a donc conduit à passer cette année en Asie.


Or, l’un de mes amis proches, Louis Faure, travaille depuis plus d’un an et demi aux Philippines, au sein de Gawad Kalinga. Les récits de son expérience avaient éveillé ma curiosité et j’avais très envie d’aller lui rendre visite pour découvrir tout cela de mes propres yeux. C’est ainsi que j’ai décidé de prendre un mois de « pause », entre deux expériences très prenantes et éprouvantes, pour aller découvrir Gawad Kalinga.

Ce mois devait, en effet, être une pause, mais cela n’a pas tout à fait été le cas, ce qui est loin de m’avoir déplu ! J’y reviendrai.



Louis a 23 ans, il est à HEC dans la même promotion que moi. Intéressé par l’entreprenariat social et en recherche de sens, il décide, en septembre 2014, de partir faire son premier stage auprès d’une ONG dont il a entendu parler aux Philippines.

A son arrivée à la Ferme Enchantée, on lui propose de prendre en charge l’Animal Farm ou quelques animaux sont élevés sans moyen ni réelle organisation. Lui qui ne connait rien à l’agriculture ni à l’élevage suit les conseils qu’on lui donne : commencer par les poulets, l’élevage le « plus simple ». C’est ainsi qu’il passe plusieurs mois à construire des enclos et à tuer des poulets ; des activités bien différentes de nos stages parisiens !

Louis rapporte qu’il devait passer par cette période d’apprentissage par la pratique afin de pouvoir avoir aujourd’hui l’ambition de monter son entreprise sociale de poulets. Parce qu’après ses six mois de stage, il a décidé de rester au sein de la Ferme Enchantée : il y a trouvé un sens à sa vie à travers l’entreprenariat social.




Je suis donc arrivée à l’Enchanted Farm dans l’idée de découvrir le modèle Gawad Kalinga tout en aidant Louis à développer son élevage de poulet.

Néanmoins, j’ai rapidement compris que ce dernier était débordé et qu’il me serait difficile de lui apporter une aide réellement utile. J’ai donc décidé de me rendre disponible, d’aider là où je voyais des besoins, sans attente particulière ni aucune pression. C’est ainsi que je me suis rapprochée de la communauté : aide à la cuisine, à la vermifarm pour la création de compost, sur les champs de culture pour le désherbage et l’arrosage, etc... Ce sont probablement les moments que j’ai le plus apprécié aux Philippines : des moments de partage avec les Philippins dans leurs tâches quotidiennes.



Une rencontre a également influencé de manière sensible mon expérience à la Ferme Enchantée : celle de Vincent, un franco-espagnol de 29 ans. Arrivé aux Philippines à l’été 2015, il a travaillé 6 mois dans une ONG spécialisée dans la fourniture d’eau. Après avoir découvert que le management se comportait de manière peu éthique, il a décidé de démissionner afin d’être consultant indépendant pour des sociétés travaillant dans la fourniture d’eau.

Ayant entendu parler de Gawad Kalinga, il s’était rendu plusieurs fois à la Ferme. Lorsque je suis arrivée, fin janvier, il y était pour une raison bien particulière : pitcher une idée auprès Tito Tony. L’idée en question ? Créer une structure de micro finance, du nom de Yaman, au sein des communautés GK afin de permettre à leurs membres d’épargner.

Après une première rencontre au cours de laquelle nous échangeons sur son projet, il apprend que je suis assez disponible et que je recherche des projets sur lesquels m’investir au sein de la Ferme. Le courant étant bien passé entre nous, il vient me voir et me demande, le plus simplement du monde : « Je sais que ça peut paraitre un peu fou, mais… Veux-tu cofonder Yaman avec moi ? ». Et moi, j’ai été assez folle pour accepter !

Après seulement quelques jours à GK, me voilà donc en train de cofonder une structure de micro-finance qui pourrait révolutionner l’avenir des communautés GK : c’est aussi cela, l’Enchanted Farm !


Mon quotidien a donc été rapidement chargé, bien qu’il variait de manière importante en fonction des jours. En effet, la courte durée de mon séjour m’a poussée à adopter une attitude très ouverte de « Go with the flow ». Dans les faits, cela signifie que je répondais oui à tout ce que l’on me proposait. En me réveillant le matin, j’avais donc toujours une idée qui s’avèrera être fausse du programme de ma journée, et c’était très agréable ! J’ai appris à me laisser aller et c’est cela qui m’a permis de vraiment découvrir ce qu’était la Ferme Enchantée et qui étaient les gens qui y habitaient.


Malgré mes changements fréquents d’emploi du temps, voici à quoi ressemblait une de mes journées type.





Le matin, je me réveillais souvent tôt pour me rendre sur le one hectare (champ expérimental d’un hectare sur lequel GK cherche à créer un modèle replicable pour les paysans du pays), où j’allais aider les fermiers dans leurs tâches matinales. Ensuite, je me rendais souvent à la cuisine pour aider les Titas à la préparation du déjeuner, ou bien à la vermifarm pour aider Tito June.




Tito June est un homme extraordinaire et très attachant. Avant de s’installer dans une communauté GK, il était ramasseur d’ordures. Depuis, son quotidien à bien changé : après avoir construit sa maison au sein de la communauté, il décide, avec sa famille, de lancer une entreprise de vermicompost. Aujourd’hui, Tito June s’occupe de ce commerce avec l’aide de ses fils, tandis que sa femme, Tita Jenny, est responsable des activités ménagères de l’Enchanted Farm. Vincent, leur plus grand fils, est un étudiant de la SEED (l’université d’entreprenariat social de GK) considéré comme l’un des plus prometteurs ; il travaille d’ailleurs avec Louis avec qui une sincère amitié s’est créée. Une belle histoire de réussite familiale grâce à Gawad Kalinga !




















Dans l’après-midi, je passais une à deux heures au sein de la communauté, à discuter avec tel ou tel Tito ou Tita, à jouer avec les enfants, à me rendre utile. J’ai, en particulier, passé beaucoup de temps auprès de Tita Dehl et sa famille.

En effet, chaque volontaire se voit assigner une Tita pour la durée de son séjour, le but étant de créer un lien avec la communauté. C’est ainsi que j’ai rencontré Tita Dehl, une femme attachante, dynamique et très souriante malgré une histoire familiale compliquée. Elle a deux jumelles adorables, Ying-Ying et Yang-Yang, ainsi que trois fils. Nous avons passé beaucoup de temps tous ensemble et les adieux ont, je dois l’avouer, été très difficiles.



Je pourrais nommer toutes les autres personnes auxquelles je me suis attachée dans cette communauté à la générosité épatante, mais la liste serait longue et je préfère laisser quelques photos parler pour moi.





































































































































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Le temps qu’il me restait, je le passais à travailler sur Yaman.

C’est un très beau projet, sur lequel nous avons fait d’énormes progrès. Nous sommes partis d’un constat simple : les habitants des communautés Gawad Kalinga atteignent aujourd’hui un niveau de richesse (ou plutôt de « non-pauvreté ») qui les rend capables d’épargner. Malheureusement, les habitudes sont profondément ancrées et les gens se montrent incapables de les changer. Leur argent « excédentaire » est dépensé dans des futilités, de la nouvelle télévision au smartphone. En cas de problème, ils n’ont donc aucun argent de côté et peuvent retomber dans l’extrême pauvreté de manière très brutale.

Le but de Yaman est donc d’apporter une éducation financière dans les communautés GK, de pousser les familles à épargner pour se créer un filet de sécurité, et de faire émerger une responsabilité financière. Nous voulons également utiliser Yaman pour favoriser de meilleures dépenses telles que les assurances santé ou les fonds d’éducation. Un projet stimulant!

Notre équipe compte trois membres : Vincent donc, Trixie, une Philippine très dynamique et motivée, et moi. D’autres personnes se sont déjà engagées à participer au projet, dont Cédric, un génial entrepreneur français, et Frank, le directeur de l’Enchanted Farm.

Pour le moment, Vincent a dû rentrer en France pour des raisons personnelles. Nous avons décidé de continuer à travailler ensemble à distance avant son retour à la Ferme, prévu en septembre. De mon côté, je pense déjà à retourner à la Ferme l’année prochaine, pour Yaman et d’autres projets dont je vous parlerai peut-être plus tard!



Veuillez excuser l’aspect elliptique de mon récit, il m’est difficile de revenir sur cet intense mois de manière différente tout en évitant de vous imposer des pages et des pages de lecture! J’espère néanmoins avoir réussi à vous donner un bon aperçu de Gawad Kalinga, et plus particulièrement du lieu magique qu’est la bien nommée Ferme Enchantée.


A bientôt,

Tiphaine









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